Comment se sortir de l’addiction à l’alcool ? Ceci est une question qui concerne 3.5 millions de personnes en France. Véritable maladie, la dépendance à l’alcool est favorisée par des facteurs héréditaires, mais aussi par des conditions de vie précaires. Cette addiction est rarement diagnostiquée dès le départ. Malheureusement, elle devient dure à combattre une fois qu’elle s’est installée. Pourtant, il existe des solutions pour s’en sortir. Pascal Couderc, psychologue à Montpellier et Paris et spécialiste des addictions, vous informe sur ce trouble et les traitements possibles.
Comment s’installe la dépendance à l’alcool ?
L’addiction à l’alcool est une addiction à une substance. Pourtant, elle se distingue de la toxicomanie et des drogues par le fait que cette substance est licite et facile à se procurer. La consommation d’alcool fait partie de notre paysage culturel. Elle a donc toute latitude pour s’infiltrer incognito dans la vie des individus.
Entre consommation régulière, puis consommation excessive et véritable accoutumance, le processus est graduel et la frontière perméable. Le seuil d’une consommation non toxique pour la santé est vite dépassé.
Nombreux sont ceux qui le franchissent à la faveur d’un mode de vie trop festif ou de sociabilités qui amènent régulièrement des habitudes de consommation comme les retrouvailles au bar le soir entre collègues. L’engrenage d’une addiction à l’alcool s’installe donc sans bruit.
Il est parfois difficile de distinguer ensuite pour les individus s’ils maîtrisent l’alcool, ou si c’est l’alcool qui les maîtrise. Le sujet qui commence à s’enfoncer dans une dépendance à l’alcool présente les comportements suivants :
- il consomme dès le matin pour affronter la journée ;
- il se sent coupable ;
- il se contrarie lorsqu’on lui demande de boire moins ;
- il consomme même lorsque cela est déraisonnable ou préjudiciable, comme au travail ou au volant ;
- il cache des boissons alcoolisées chez lui et sur son lieu de travail ;
- il ment au sujet de sa consommation ;
- il se cache pour boire ;
- il se désintéresse de tout ce qui n’est pas l’alcool progressivement dans sa vie.
Les effets psychoactifs de l’alcool
À l’origine de la maladie alcoolique, on trouve donc une consommation régulière devenue excessive. Quand les prises d’alcool deviennent répétées, elles déclenchent une activité accrue du foie pour absorber l’excès d’alcool dans l’organisme.
Cette réaction est à l’origine du phénomène de tolérance que l’on appelle aussi l’accoutumance. Celle-ci contraint le sujet à absorber toujours plus d’alcool pour obtenir les effets de l’ivresse : euphorie et désinhibition.
De son côté, le cerveau favorise l’apparition de l’addiction en attribuant à l’alcool un rôle de récompense qui appelle à consommer encore davantage. La dépendance psychique à l’alcool s’installe alors sur le versant comportemental, (en instaurant des habitudes), émotionnel (en procurant rapidement du plaisir) et cognitif, grâce un mode de perception différent des soucis lorsque l’on est ivre.
Puis la dépendance physique arrive et marque alors l’entrée dans l’engrenage de l’addiction à l’alcool. Il modifie le fonctionnement du cerveau qui développe des mécanismes de défense. Mais, dès qu’un buveur diminue sa consommation, ces mécanismes se muent en syndrome de sevrage, provoquant dépression, sudation, anxiété…
Chez le sujet addict, ces symptômes apparaissent dès qu’il a moins bu, comme en fin de nuit. Ils ne lui laissent alors d’autres choix que de se remettre à boire et d’aggraver son seuil de tolérance. À cette étape, la personne alcoolique perd la liberté de s’arrêter. Elle ne boit plus pour le plaisir que cela lui procure, mais parce que cela est devenu une nécessité.
Addiction à l’alcool : comment s’en sortir ?
Les ravages d’une adépendance à l’alcool sur la vie des sujets dépendants soulèvent, à un moment donné, la question du sevrage. Rappelons que l’abus d’alcool est responsable de la plupart des accidents de la route, d’une part importante de la criminalité, sans parler de ses effets très néfastes sur la santé (taux de mortalité élevé des buveurs, risques de cirrhose, cancers…)
Mais l’alcoolisme est toujours un sujet extrêmement difficile à aborder pour celui qui en souffre. Cela explique en partie que son entourage ne soit pas le mieux placé pour le pousser vers une prise en charge.
L’addiction alcoolique implique une ambivalence par rapport au changement et une organisation psychique de l’individu toute entière centrée autour de son symptôme. Face à son entourage, il sera donc souvent dans le déni. Alors, il ne peut verbaliser ni sa perte de pouvoir sur l’alcool, ni les souffrances sous-jacentes. L’occasion de parler de son addiction se fera plutôt avec un médecin traitant, notamment s’il souffre de problèmes de santé liés à l’alcool et qu’il souhaite ne pas voir s’aggraver.
Le préalable à la réussite d’un sevrage alcoolique demeure donc la motivation et l’adhésion du patient dépendant au projet. La démarche de sevrage proposée dépendra du degré de gravité de l’alcoolisme et des facteurs de rechute présents dans l’environnement (comme un entourage touché également par le problème).
On décide le plus souvent d’un sevrage à domicile, que l’on appelle ambulatoire. L’individu est alos suivi par son médecin de famille ou par un centre spécialiste de l’addictologie. Seuls les grands dépendants ou ceux victimes de plusieurs addictions font l’objet d’une hospitalisation.
L’importance du suivi psychologique
L’aspect psychologique de l’addiction à l’alcool est particulièrement important, car la prise d’alcool concerne dans 90 % un sujet dépressif et anxieux.
Toute démarche de sevrage s’articule donc autour d’un appui médicamenteux et d’un soutien psychologique fondamental. Il peut être assuré par un psychiatre, un médecin de famille ou un psychologue spécialiste de l’addiction. Son rôle sera d’éclairer l’individu sur son rapport à l’alcool pour lui donner les moyens d’en sortir.
De nombreuses approches thérapeutiques sont possibles aujourd’hui, le professionnel devant aider son patient à s’orienter. Ceux qui veulent sonder les raisons profondes de leur addiction s’orientent vers la psychothérapie, mais les thérapies comportementales ou TCC font aussi leurs preuves.
Les personnes dépendantes peuvent choisir de s’orienter vers un arrêt brutal et complet ou vers une consommation modérée et maîtrisée. Si la désintoxication se fait sous la pression de l’entourage mais que le sujet est peu motivé, la seconde alternative est déjà un bon départ.
Il faut savoir qu’arrêter de boire n’est pas le plus dur. Il faut surtout par la suite réussir à s’abstenir. Compte tenu des importants changements d’humeur chez les consommateurs d’alcool, la difficulté est de taille.
Pour les patients isolés, il est pratiquement impossible d’arrêter seuls de boire. Les violents appels à la boisson, les cravings, le poussent inexorablement à la rechute.
Guérir de l’alcool est un processus à long terme, car les mécanismes de l’addiction restent présents dans le cerveau, y compris après de longues années. Les sujets dépendants savent qu’ils ne sont pas à l’abri d’une rechute, et choisissent souvent, pour cette raison, de s’éloigner définitivement de la boisson et de s’abstenir à vie.
Pascal Couderc, psychanalyste et psychologue clinicien à Montpellier et Paris est spécialiste des problématiques d’addiction. Il accompagne ceux qui souhaitent se libérer de l’alcool en cabinet ou par téléconsultation.